Saturday, December 19, 2009

Sunday, December 13, 2009

A nice work



A Terry Gilliam Facebook Manners style. Really Good. 

From Bruce Sterling

Saturday, November 14, 2009

Lech Kowalski Camera War




http://www.camerawar.tv/

Né en Angleterre, d’origine polonaise, Lech Kowalski s’installe à New York au début des années 70. Il fait ses premiers pas dans le porno où il multiplie les rencontres interlopes. Il réalise un premier documentaire sur les acteurs porno puis collabore avec Nam June Paik, Shirley Clarke et Tom Reichman, auxquels il emprunte le sens de l’expérimentation visuelle et l’intérêt pour les populations marginales. En 1978, il suit l’unique tournée des Sex Pistols aux Etats-Unis : « Pour moi, le punk symbolisait la dernière vision idéaliste du monde. Une vision romantique et belle d’un monde en guerre. »...>

Docus du Net

http://www.docusdunet.net/

A good ressource.

Saturday, November 07, 2009

L'Enfer Clouzot/Schneider/Bromberg (En salle le 11 November)



Le tournage démarre en juillet 1964, à l’hôtel du Lac, au pied du viaduc de Garabit (Cantal). Clouzot est à la tête de trois équipes, véritable armée de cent cinquante techniciens. Mais le perfectionnisme du cinéaste, qui multiplie les prises, et le manque de coordination entre les troupes ralentissent considérablement le tournage. Tyrannique, insomniaque, il réveille ses techniciens pour parler du scénario, en réécrit les pages pour le lendemain. Les rapports avec Reggiani se détériorent. L’acteur, dépressif, est hospitalisé...->

Monday, November 02, 2009

"The cat, the reverend and the slave"



Extract from "The cat, the reverend and the Slave", a documentary about virtual communities and avatars by Alain della Negra et Kaori Kinoshita (2009)

Saturday, October 24, 2009

I love it




The Auteurs

Five things that were on our minds when we first dreamt up The Auteurs:
#1: Why can’t you watch In the Mood for Love in a café in Tokyo on your laptop?
#2: Why is it so hard to meet people who share the same love for Antonioni?
#3: Wouldn’t it be great to instantly send Tati’s Playtime to a friend if you think they needed it? (There’s nothing like film therapy!)
#4: Why do films on the internet just look awful?
#5: Why are we talking as if we were John Cusack in High Fidelity?





Friday, October 16, 2009

Paranormal Activity




Petit budget, gros bénéfices. C’était déjà la recette du Projet Blair Witch qui avait rapporté il y a dix ans 249 millions de dollars pour un budget de production évalué entre 20 000$ et 25 000$. Dans une moindre mesure, Paranormal Activity, un nouveau film d’horreur sorti le 25 septembre aux Etats-Unis est en train de connaître un succès similaire. L’histoire n’a en soi rien de révolutionnaire puisqu’il s’agit d’un couple qui emménage dans une maison hantée. C’est son traitement, entre fiction et film personnel mêlant fantastique et image un peu crade sortie d’une caméra bas de gamme, dans un amateurisme assumé, qui est censé faire de l’effet au spectateur. (La suite)

Sunday, October 11, 2009

Alphaville/Jean-Luc Godard (1965)

 


Le Nouvel Observateur / n° 25 / 6 mai 1965

Le nouveau film de Jean-Luc Godard, « Alphaville », nous a paru mettre en relief, d’une manière assez saisissante, un certain nombre de fléaux qui guettent notre civilisation. Ce film décrit en effet, au présent de l’indicatif, les dangers futurs de l’automation, des machines ordinatrices, et d’une technocratie trop poussée.

Nous avons demandé à quelques savants, conférenciers du centre de Sémantique générale du Canisy, de voir ce film pour nous donner leurs impressions. Ils ont été vivement frappés. Michel Cournot a transcrit les réflexions dont ont fait notamment part M. Kauffman, professeur de mathématiques supérieures à l’université de Grenoble et conseiller scientifique des sociétés d’électronique, et le docteur Jacques Sauvan, constructeur de « modèles d’intelligence » et de « simulatrices de pensée ».

Alphaville est la capitale d’un pays planifié et gouverné par une « ordinatrice totale », Alpha 60. Dans notre univers, cette machine Alpha 60 n’est pas encore réalisée.

Nos machines actuelles, comme la Gamma 60 de Bull, ne « parlent » pas, comme dans le film, et ne s’appliquant encore qu’à des microéconomies. Elles ne peuvent pas diriger une macro-économie comme la société d’« Alphaville ». Mais il est indiscutable que plusieurs « corollaires » d’Alpha 60, plusieurs faits sociaux accompagnant obligatoirement une automation totale, existent déjà. Ce n’est pas étonnant. Il arrive que la volonté de puissance des techniciens anticipe sur la mise au point des machines.

Le premier de ces faits sociaux, qui est admirablement indiqué par le film, est la scission irrémédiable entre les techniciens (qui comptent les technocrates) et les autres hommes vivants – les premiers manifestant à l’égard des seconds un total mépris.

Le docteur « von Braun » de Godard, créateur d’Alpha 60, constitue avec le corps de ses ingénieurs, aussi bien dans les locaux de la station centrale d’intégration que dans ceux du ministère de la Dissuasion ou de l’institut de Sémantique, un groupe à part, tout-puissant. Ce groupe utilise les non-ingénieurs des tâches d’exécution, ignore ou supprime les sujets inutilisables, et méprise le peuple d’Alphaville dans son ensemble.

Les décisions d’ordre économique, politique, sont prises par les technocrates à l’écoute des ordinatrices, sans se poser aucune question sur les volontés du peuple : « Un ordre est une conclusion logique », dit l’un des ingénieurs.

Cette scission et ce mépris, décrits dans le film de Godard, existent déjà dans notre univers. Ils sont l’un des phénomènes de mutation les plus forts de notre univers.

Nos citoyens d’aujourd’hui ne sont pas consultés ou bien ils ne sont consultés qu’en apparence. Il n’est que de voir les décisions prises dans l’immeuble en forme de cercle de la Maison de l’O.R.T.F., qui est d’ailleurs, à plusieurs reprises, le décor des actions du film. Les responsables de cet organisme prennent des décisions contre la volonté du peuple, et ils ne les prennent pas dans l’arbitraire, mais par calcul de technocrates. La suppression de « la Caméra explore le temps » est un exemple flagrant de mépris pur et simple du peuple, que les citoyens connaissent parce que cet événement touche en prise directe des millions de foyers, mais chaque jour des décisions de cette nature sont prises, sans que les intéressés en soient avertis.

Quand consultation il y a, cette consultation a tellement changé de nature que le mépris du peuple en est la règle d’or, et non l’oreille tendue au peuple. Dans les élections telles que les conçoit aujourd’hui tout un ensemble actif d’organismes investis par les technocrates, le peuple est conçu comme une masse, comme une totalité abstraite à modeler ou remodeler, et non pas comme un organisme vivant, divers, qui serait comme naguère la source des actes politiques ou tout au moins leur pierre de touche.

Les préoccupations politiques sont devenues des fictions. Ce qui n’est pas une fiction, c’est que les hommes d’une société ne sont plus envisagés comme des électeurs au sens propre, mais comme des clients, comme des consommateurs. Des réalités de base comme le capitalisme et le socialisme, sont elles-mêmes affectées par cette structuration nouvelle. Les hommes ne savent encore pas que leur opinion ne compte plus.

Avoir transformé les électeurs en consommateurs est un crime collectif dont nous ne pouvons pas estimer la portée. Les mêmes techniciens, qui font à l’aide de leurs ordinatrices des études de marché, ont commencé par calculer la demande d’une lessive.

Ils ont ensuite fomenté cette demande.

Ils « placent » maintenant un gouvernement comme ils plaçaient leur lessive, par les mêmes processus. Les volontés et les opinions proprement politiques n’ont plus cours dans ce processus.

Les technocrates traitent le peuple dans l’absolu du calcul. Il ne leur importe pas que telle fraction de la masse pense comme ceci ou comme cela, ils s’en moquent, pur eux une opinion n’existe pas idéologiquement, elle n’est qu’un indice affecté à une quantité de masse, et elle n’est pas contrariante : elle sert au calcul. Pour exécuter leurs calculs, les technocrates demandent seulement, à droite comme à gauche, peu importe, une clientèle homogène. Ce qui contrarie, c’est l’inconnue. Ils s’occupent à la réduire.

Des calculatrices et des calculateurs dirigent, dans un silence de glace, le devenir des peuples, effectivement ou en projet. Dans le film de Godard, c’est fait. Au Brésil c’est fait aussi. Il n’y a plus aucun lien entre les technocrates et les damnés. En Europe c’est commencé.

Dire que « les Français sont dépolitisés » est une constatation de fait ; mais il faut poser cette constatation en termes eux-mêmes dépolitisés, c’est-à-dire ne pas être dupe. L’immense intérêt du message d’« Alphaville », est d’ouvrir les yeux aux dupes : nous ne sommes pas à Alphaville, mais vous pouvez y constater une scission complète entre les dirigeants et le peuple, et un mépris du peuple, qui est d’ores et déjà une réalité des « pays extérieurs », les nôtres.

Le deuxième fait social, lui aussi remarquablement figuré par Jean-Luc Godard, est la mise au point de ce que nous appelons entre nous « la civilisation du dérisoire ». « Alphaville » est un film sans cesse traversé par des gestes, des phrases, des signes, et finalement par toute une chorégraphie filmique, qui sont autant de représentations sonores et visuelles du « dérisoire ».

A partir du moment où les hommes ne sont plus des individualités respectées, entières, hasardeuses, mais des unités de masse dépersonnalisées mises en équations, à partir de ce moment la dépersonnalisation transmet aux gestes de la vie un caractère de dérision.

Les hommes ne vivaient pas pour ça, ils ne vivaient pas pour n’être pas pris d’une certaine manière au sérieux. Et la dérision, peu à peu, investit l’action.

Le sens du tiercé

La voix des hôtesses d’aérodromes et d’une manière générale les voix et les démarches des « hôtesses », ces êtres nouveaux qui annoncent les « réductrices d’ordre 3 » d’Alphaville, sont des dérisions déshumanisées de voix et de gestes. La manière dont la nageuse Kiki Caron fut reçue en cortège par une municipalité de la banlieue parisienne constituait une cérémonie du dérisoire. Les campagnes électorales sont depuis longtemps dans plusieurs pays, pour des raisons différentes, des solennités du dérisoire. Nous avons commencé de les imiter. Le dérisoire gagne notre monde de jour en jour, si bien que des manchettes de journaux annonçant l’envoi prochain d’une bombe atomique sur le Vietnam ont été prises, il y a quelques jours, à peine plus au sérieux qu’une manchette de faits divers. L’« escalade » au Vietnam prend, dans sa dénomination même, un aspect sportif dépolitisé.
Les hommes prennent en dérision cet univers dont leurs consciences sont chassées, et ici aussi ils sont dupes, car l’implantation du dérisoire est pour les techniciens un bon auxiliaire de planification : ils inventent du dérisoire pour mépriser plus à l’aise. Les citoyens s’y laissent prendre. Le film « Cléo de 5 à 7 » indiquait très bien, autour de Cléo, toute une petite société qui règle déjà sa vie sur des mécanismes irrationnels : on y distinguait nettement les signes d’une civilisation pré-logique, ou post-logique, dont la manie nationale du « tiercé » est un symptôme. Les hommes font de moins en moins de différence entre les astrologues et les physiciens, entre les magiciens et les savants. Sous cette poussée d’illogisme, les vrais médecins ont été obligés de faire, à propos de Naessens, des opérations de contrôle qui étaient objectivement inutiles.

La séquence d’« Alphaville », où des soldats et des baigneuses mettent à mort dans une piscine les citoyens non intégrables, devant une tribune de techniciens et de « délégations des quartiers » gracieusement invitées, cette séquence que Natacha von Braun appelle « réception dans un ministère » est un chef-d’œuvre de dérisoire.

Elle condense une grande part des signes de cette dérision qui, dans notre univers, répond déjà au mépris.

Cette séquence de la piscine est aussi l’une de celles qui décrivent un autre fait social déjà observable ici : l’inutilisation de l’intelligence. Les hommes d’« Alphaville » exécutés sont des savants, des poètes, des professeurs.

Les hommes intelligents ont déjà de moins en moins de place dans notre monde en mutation. Ils présentent des difficultés d’assimilation que les ordinatrices ne savent pas résoudre. L’initiative, même par élans, gêne les automatismes. L’opinion publique ignore à quel degré d’infériorité mentale se trouvent les technocrates, y compris les hommes de décision, ceux qui s’occupent par exemple de recherche opérationnelle. C’est une infériorité mentale qui touche au pathologique. Quand des esprits aussi inférieurs s’emparent du pouvoir, comme dans « Alphaville », les intelligents sont éliminés. L’hôtel miteux dans lequel Jean-Luc Godard a situé, après ses bâtiments modernes, les intellectuels non encore éliminés, est remarquable dans chaque détail.

Les mots interdits


Avec la chute d’intelligence apparaît un phénomène particulièrement désastreux : la chute du langage. Ici le film confine au génie, car la manière dont Godard a filmé le dépérissement du langage annonce exactement une vérité. Alphaville ne semble contenir ni journaux, ni bibliothèques, ni cinémas. A part un vieil exemplaire de « Capitale de la douleur » de Paul Eluard, caché sous un oreiller de l’hôtel des « intelligents », le seul livre en cours dans Alphaville est cette édition quotidienne de la « Bible », qui n’est en fait qu’un dictionnaire dans lequel, chaque matin, plusieurs mots ont disparu. L’utilisation des mots disparus est interdite et punie. Les habitants d’Alphaville s’expriment avec difficulté, sauf quand ils semblent suivre certains schémas vidés.
L’appauvrissement du langage, l’implantation de formes réduites, les simplifications de la syntaxe sont chez nous des faits réels, qui accompagnent nécessairement la robotisation des hommes. La perte de vocables suit la perte de conscience, parce que les mots ne sont pas seulement signifiants : ils font penser. Il ne s’agit pas de penser, cela pourrait mettre les machines en panne. En technocratie, les mots meurent.

La détérioration du langage est déjà si prononcée qu’un phénomène étrange de mauvaise conscience joue chez les savants (pas chez les techniciens) : ils ont tendance, depuis quelques années, à utiliser, par prudence, une autre langue que la leur. Les mathématiciens américains raisonnent de plus en plus sur des vocables français.

Ce qui manque tout de même à l’œuvre de Godard, c’est une ouverture. « Alphaville » est un film manichéen, qui décrit sans faire espérer, et qui décrit quelquefois en porte-à-faux.

Dans « Alphaville », la logique est mise en posture de coupable. Von Braun semble agir au nom de la logique. Nous pensons que c’est une erreur, et qu’il ne fallait pas accuser la logique dans un film qui est avant tout un hommage à la liberté.

Il est difficile de représenter de façon plus intelligente qu’« Alphaville » des hommes qui ont perdu leur liberté. Seulement, s’ils ont perdu leur liberté, ce n’est pas par abus de logique, mais par défaut de logique. La liberté, c’est la logique.

Le voyageur qui se promène au hasard dans une ville inconnue, le nez au vent, croit être libre.

Il l’est moins que le voyageur qui achète un plan, qui est armé de connaissances, et qui surmonte ses connaissances pour vivre avec cette ville une aventure logique. Jean-Luc Godard circule d’ailleurs dans Alphaville avec une remarquable logique. La liberté sans logique est une liberté gaspillée. La vraie connaissance, c’est la projection le la liberté dans la logique.

En diminuant volontairement la conscience des hommes, en portant atteinte à l’enseignement (plan Fouchet, déclassement social des professeurs), les technocrates conduisent les hommes à sacraliser la liberté, à accepter l’ignorance, et même à identifier liberté et non-connaissance.

Les tranquillisants


Les hommes de ce monde se meuvent encore, spontanément, passionnellement, devant toute atteinte manifeste à la « liberté de penser ». Ils ne s’aperçoivent pas que c’est la pensée tout court qui est supprimée jour par jour. C’est la pensée elle-même, qui est condamnée. La liberté de penser, comme la liberté tout court, tomberont ensuite d’elles-mêmes, dans une tranquillité générale.

Les « tranquillisants » que les habitants d’Alphaville avalent pour un oui ou pour un non ne sont pas des médicaments de fiction. On les trouve dans nos pharmacies. Mais dans Alphaville, ils aident à ne pas penser, et sur notre planète ils aident à penser de moins en moins sur des illusions.

La pensée du monde ancien, notre pensée, « Alphaville » rappelle d’ailleurs qu’elle est vaincue d’avance. C’est vrai. La pensée humaine est usée. Elle a fait le tour de ses circuits, elle n’est même pas capable de balayer simultanément, comme les machines, plusieurs séries combinatoires. Elle ne se soutient que par son histoire. Elle s’y empêtre de plus en plus. Son passage à l’illogisme, sous l’empire des technocrates, est une preuve de son usure. Des savants s’occupent aujourd’hui à découvrir, à l’aide des machines (seulement « à l’aide »), la pensée neuve de demain. C’est aussi un défaut du film que de n’avoir pas laissé pressentir la recherche de cette pensée neuve.

Il manque à « Alphaville » une « praxéologie de l’automation ». L’aspect normatif du film manque.

Des savants s’occupent déjà à désabrutir demain les peuples par une rééducation permanente, à leur réapprendre le danger et l’aventure. Les machines permettront de trouver une nouvelle science de l’action, où les êtres humains seront repersonnalisés, où les citoyens évolueront dans un système de préférence libres, qui comprendra le principe de la promotion permanente. La civilisation promotionnelle pourrait être la grande conquête d’une liberté humaine qui aurait repris son sens à l’aide des machines. Notre univers va connaître une paralysie générale due à l’absence de promotion. Aux U.S.A. on ne peut trouver d’infirmières vraiment satisfaites de leur sort que dans les hôpitaux où elles ont le droit d’accéder, même après de longues années, à la profession de médecin. Demain, une recodification générale, accomplie grâce aux machines, permettra de découvrir les structures sociales d’une liberté promotionnelle.

Le défaut d’« Alphaville » est donc de ne pas opposer une civilisation du progrès à une civilisation du dérisoire. Ce n’est pas surprenant. Chaque grande mutation laisse les hommes dans l’angoisse.

Lorsque Gutenberg a inventé l’imprimerie, les moines étaient persuadés que la culture était perdue. Pour eux, la culture, c’était l’écriture, les déliés, la personnalisation, la poésie de l’écriture. Ils regardaient les machines d’imprimerie comme nous regardons les ordinatrices. Les ordinatrices ne sont pas coupables, ce sont les hommes qui sont coupables. Godard l’a montré.

Mais il désespère trop des hommes. Les technocrates ont pris une avance. Ils n’ont pas encore gagné.

Nous tenons à dire pour terminer que la dernière séquence d’« Alphaville » est à elle seule un chef-d’œuvre, l’une des choses les plus bouleversantes à laquelle il nous ait été donné d’assister. Godard a filmé son terrien Lemmy Caution repartant, avec la fille de von Braun, vers la Terre ancienne, s’éloignant doucement, dans la nuit, par les boulevards périphériques d’Alphaville. Cela est fait de telle manière que l’on a le cœur serré, parce qu’il est alors évident que la Terre, qui les attend, ne vaut guère mieux, que ces deux êtres s’éloignent entre deux mondes concurrentiels, déjà très proches l’un de l’autre. Le film se termine, sur cette nuit profonde, qui relie deux mondes familiers et perdus. Pour cette séquence parmi d’autres, « Alphaville » est, dans notre monde du dérisoire, une grande aventure.

Propos recueillis par Michel Cournot

Sunday, October 04, 2009

Runpee : Quand aller pisser pendant un film ?





Inutile ou indispensable ? RunPee, déclinaison sous forme d’application iPhone du site du même nom, est une application qui vous permettra de savoir quand, dans un film, vous pouvez prendre le risque de vous absenter quelques minutes pour aller faire vos besoins. Elle interroge une base de données qui référence toutes les longueurs des films les plus connus, de façon à ce que vous ne partiez pas vous soulager au moment phare du film...> (Exemple ci-dessus pour "Anges et démons").

Comment sauver le Monde avec GOOGLE/How to save the world with GOOGLE



et gagner 30 millions de dollars...

http://www.youtube.com/user/GoogleLunarXPRIZE

Thursday, October 01, 2009

CRASH Tv Series



La diffusion de la saison 2 de la  série CRASH a commencé sur la chaîne Starz aux Etats-Unis, en Septembre 2009. Produite par les producteurs du film de David Cronemberg, on y retrouve Dennis Hopper... Ce dernier aux dernières nouvelles n'est pas en bonne santé. Cronemberg, quant à lui travaillerait sur une nouvelle version de La Mouche.

Wednesday, September 23, 2009

Red Sydney







Monday 21th September, Sidney (Australia).
La belle galerie Flicker de Tom Hide sur la tempête de sable rouge qui a envahi Sidney en début de semaine.

Monday, September 21, 2009

The Carpenter Goblin

Un ersatz brillant de la galaxie musicale John Carpenter et des Globlins. En plus, il est grec... Ce que ce son nom n'indique pas : Vitus Von Degen. Il vient de sortir en téléchargement libre son album "Via Dante Alighieri", que vous pourrez télécharger sur la page de Ego Twister Records. Un hommage plein d'intelligence aux créateurs de la "moquette musique", c'est ainsi que John Carpenter définit ses propres créations musicales...




Film festival in Quend (France)



La bande annonce du Festival du Film Grolandais à Quend en Picardie. Elle est parfaite.

Tuesday, September 15, 2009

The world is fiction


The World is Fiction from Cesar Mendonca on Vimeo.

Top Gun décrypté

La suite du projet Ego Twister Records, avec une relècture musicale totalement  originale de "Top Gun" de Tony Scott, qui un peu comme Lelouch a de temps en temps des éclairs de génies (de temps en temps j'ai dit...), voire de manière totalement inconsciente et imprévue...


Young P2018 - Top gun anthem from Ego Twister records on Vimeo.

Le cinéma 8 Bits

Créé par Ego Twister Records, une relecture foutrac, jouissive et tout en 8 bits, de certains thèmes les plus fameux du cinéma. 
Je conseille particulièrement la relècture de la musique (Franck Barcellini) de "Mon Oncle" de Jacques Tati, ainsi que le fameux jingle de la Fox, passés à la moulinette électro. Entre autres merveilles... (Vous pouvez télécharger l'album ici).

Monday, August 31, 2009

Hollywood se monte le berrichon

Extrait de l'article de Mourad Guichard paru sur le site de Libération, au sujet d'un cammer qui fait frisonner un cinéma de Vierzon. Drôle.

"Pour traquer l’inconvenant, les deux limiers s’arment de bons vieux totems publicitaires, en l’occurrence une silhouette de John Travolta grandeur nature en carton. «Nous avons placé l’un de ces totems dans la salle, face au public», confie le projectionniste. «Nous avons soigneusement découpé les yeux de Travolta pour que l’agent, placé derrière, puisse observer discrètement la salle». Une barbouzerie qui force le respect, mais qui reste vaine, malgré une planque longue de quatre jours."

A lire en intégralité ici (les commentaires dans leurs précisions techniques sont vraiment fascinants) :

http://www.libeorleans.fr/libe/2009/08/hollywood-se-monte-le-berrichon.html

Neurosonics Audiomedical labs



http://www.neurosonicsaudiomedical.com/

The Transmigration of Donovan Lynch (YouTube Trailer)



More infos

Friday, August 28, 2009

How to live a normal life ? (Comment vivre une vie normale ?)

Documentaire sur le groupe (très) américain Lambchop de Nashville, réalisé pour Channel Four. Racontée par son chanteur leader Kurt Wagner. (Part 1)


Thursday, August 27, 2009

Monday, August 17, 2009

The girlfriend experience

Une bien belle bande-annonce (sans explosions! ), pour le dernier film de Soderbergh "The girlfriend experience" sorti en Juillet 2009.
Comme quoi...


Sunday, August 16, 2009

Le vin nu Episode 1052

Concept: présenter une cuvée de vin par une présentatrice peut-être nue. Susan Sterling



Susan gives her tasting notes on Domaine de Sérame Réserve Cabernet Sauvignon 2006 from Vins de Pays d’Oc, France. Low intensity nose of black currant, black pepper, and pencil lead. Black currant, plums, pencil lead, and earth on the palate. Serve with traditional French bistro fare such as steak frites or cassoulet.

Wednesday, August 12, 2009

BLACKSPEEDTEXT

J'ai découvert Keziah Jone en live au festival Ecaussystème de Gignac dans le Lot. Et Oui... Bluffé par l'inventeur du Blufunk, en formation trio, visiblement passionné de Science-fiction, comme l'indique de nombreux titres de ses albums. Voilà un court-métrage BLACKSPEEDTEXT qu'il a produit il y a quelques temps pour Delabel. Il n'est pas seulement le gars qui a commencé sa carrière dans le métro parisien... Et son dernier album "Nigerian Wood" est très étonnant.

Monday, July 27, 2009

Tuesday, June 30, 2009

Wednesday, June 10, 2009

Monday, June 08, 2009

The Transmigration of Donovan Lynch at Filmer la Musique Festival Paris


















Entièrement composée d’images en provenance de Youtube - images volées prises au téléphone portable, archives de télévision, conférences, témoignages de fans, flash de news - La Transmigration de Donovan Lynch se regarde comme un polar de science fiction, une enquête à travers les fragments du réseau. Gourou en hélicoptère qui survole les foules, dérapage au théâtre Urania, Californie mystique, Maharishi Channel et David Lynch Foundation … Panoptique éclaté et dérive transcendentale.

Wednesday, May 13, 2009

Super-Cannes l'Express de 2001


Villa à vendre dans
la ville de Super-Cannes


J.G. Ballard

par Henriette Korthals-Altes
Lire, juillet 2001 / août 2001



Du Shanghai perdu de son enfance il ne se console pas. Le jeune garçon de l'Empire du Soleil serait devenu psychiatre s'il n'avait choisi la catharsis de l'écriture. Pour autant, les dérives du monde moderne ne cessent de l'inquiéter, comme en témoigne son dernier-né Super-Cannes.

Au bout de la ligne d'un train de la banlieue de Londres, là où le tissu de maisonnettes plus ou moins cossues se distend, il y a le mythique Shepperton, la petite ville-dortoir où vit James Graham Ballard. Il y a bien une Ford grise garée dans son jardinet, mais elle n'a rien des voitures fétiches et stylisées qui peuplent ses romans. L'auteur de Crash conduit, mais une voiture plutôt familiale. Sa maison est miraculeusement modeste; linos, rideaux et moquettes y sont des vestiges des années soixante. C'est dans ce quasi-non-lieu que J.G. Ballard a rédigé, depuis plus de quarante ans, une œuvre radicale, iconoclaste, inattendue et provocante. C'est là aussi que, veuf à trente-cinq ans, il a élevé, seul, ses trois enfants. Martin Amis, un de ses fidèles admirateurs, s'était toujours demandé ce que l'auteur voyait en regardant par la fenêtre. «Tout ce qu'il veut», conclut-il après lui avoir rendu visite. A l'évidence, Ballard ne se soucie guère des contingences matérielles. Se faire copier deux tableaux de Delvaux est le seul luxe qu'il s'est permis après le succès de l'Empire du Soleil.

Douce ironie ballardienne, ces copies ressuscitant des chefs-d'œuvre détruits pendant le Blitz sont de vrais faux dont les originaux n'existent plus. Ballard, lui, est d'une affabilité désuète et d'un enthousiasme bonhomme. Il vous sert une tasse de thé et un whisky-soda dans le bric-à-brac d'une cuisine où se mélangent allégrement torchons et serviettes. Il parle de ses livres avec une clarté parfois didactique mais refuse d'en rationaliser les contradictions. Puis il conclut par un sourire à la fois amusé et énigmatique, comme pour s'excuser d'avoir trop parlé. On se demande alors d'où émane cette œuvre noire et visionnaire.

Super-Cannes, son dernier roman en forme de thriller politico-philosophique, met en scène les dérèglements de notre société aseptisée, où «le travail est le jeu suprême et le jeu le travail ultime». Eden-Olympia, parc scientifique hautement surveillé, simulacre de Sophia-Antipolis, située sur les hauteurs de Cannes, revêt les apparences d'un Eden sans serpent. Ballard nous mène de l'autre côté du miroir. Un psychiatre y exploite les psychopathologies latentes pour redynamiser les cadres surmenés et maintenir la machine capitaliste.

C'est du Orwell du troisième millénaire. Attention, les objets dans ce miroir sont parfois plus proches qu'ils ne le semblent!



Pourquoi avez-vous situé l'action de votre roman sur la Côte d'Azur, au cœur de notre vieille Europe, qui plus est dans un paysage habité de références littéraires et artistiques?
J.G. Ballard. Dans Super-Cannes, j'ai voulu explorer la psychologie des parcs d'activités high-tech qui rassemblent des filiales de toutes les multinationales et sont peuplés exclusivement de cadres de haut vol. Ce qui m'intéressait était de voir l'évolution d'une société, faite de déracinés, où le lien social est uniquement professionnel et la stabilité uniquement financière. En visitant la Côte d'Azur, j'avais été particulièrement intrigué par cette technopole qu'est Sophia-Antipolis. Il me paraissait intéressant de montrer comment le paysage traditionnellement voué aux loisirs qu'est l'ancienne Côte d'Azur, celle des princes russes et de la vieille aristocratie anglaise, celle de Picasso, de Braque et de Matisse, de Graham Greene et de Cyril Connolly, s'était transformé en un lieu dédié au travail. C'est pourtant ce qu'est devenu le sud de la France. Tous les anciens palaces sont devenus des centres de conférences. Dans un ascenseur, vous serez entouré d'un médecin suédois, d'un concessionnaire Volvo ou d'un mafieux russe, voilà ce qu'il reste de la Riviera internationale.

Pourquoi l'élément international était-il important?
J.G.B. Les changements que je décris s'appliquent partout dans le monde occidental. Jacques Médecin est un bandit, mais un bandit visionnaire. Il a très bien saisi que le futur de la Côte ne résidait plus dans les loisirs, que les gens s'envoleraient en charter aux Seychelles, aux Maldives ou en Amérique latine en vacances organisées. Il a transformé la Riviera en Silicon Valley et a très bien réussi son coup. J'étais allé une première fois dans la région avec mes parents en 1947 et depuis j'ai maintes fois visité l'endroit avec ma compagne. Le changement est effarant. Les gens là-bas ont un regard vraiment étrange. En dépit de tous les loisirs auxquels ils ont accès, à sept heures du soir ils rentrent pour regarder la télévision. Et pendant la journée, les gens sont assis aux terrasses des cafés comme s'ils étaient en partance, en train d'attendre le prochain avion.

Vous n'épargnez pas les Français dans votre roman. Non seulement vous assenez quelques vérités sur le racisme non assumé de nos dirigeants mais, en plus, vous localisez un enfer capitaliste dans une France qui s'est toujours voulue championne d'une globalisation modérée...
J.G.B. Oui, c'est vraiment désolant de voir que les Français ont accepté de construire EuroDisney à côté de Paris. Mais ce qui m'intéresse avant tout, c'est la nouvelle psychologie, la nouvelle éthique et le credo quasi religieux qui émanent de ces parcs d'activités.

Eden-Olympia est une utopie bien réelle.
J.G.B. Moi, j'adorerais! Je suis sûr que j'y serais très heureux. (Rires.) Effectivement, il me semble que c'est le nouveau monde qui nous attend. Je ne le verrai pas, mais c'est ce que mes petits-enfants connaîtront. En fait, ces microcosmes existent déjà, surtout aux Etats-Unis. Les parcs d'activités foisonnent dans les banlieues et constituent des communautés sous haute surveillance, hyperpolicées et repliées sur elles-mêmes. Il me semble dangereux qu'une élite professionnelle se retire de la société pour vivre en milieu clos parfaitement homogène.

Vous faites dire au psychiatre Wilder Penrose: «La psychopathologie est la seule liberté qui nous reste» ...
J.G.B. Dans une société totalement saine, la folie est la seule liberté. Trop de raison est étouffant. Quiconque a éduqué des enfants le sait. On ne peut les traiter avec la sagesse de Salomon. Je ne préconise aucunement la violence - je la déteste. Mais il faut une dose d'aspérité émotionnelle car une société aseptisée produit un besoin désespéré de chaos. On ne peut pas vivre dans une atmosphère d'école du dimanche.

... et «L'âme banlieusarde envahit la planète comme une épidémie mortelle» ...
J.G.B. La banlieue, du moins en Angleterre, est le baromètre du changement. La violence y est contenue et on s'y comporte à merveille. Je crois que nous vivons dans une société «surrégulée». Le degré de liberté qu'avaient mes parents était bien supérieur à celui dont jouissent les jeunes générations d'aujourd'hui. A peu près tous les domaines de notre vie sont normalisés: comment nourrir ses enfants, comment les élever, leur scolarisation. Enfant, je me souviens de jeux innocents consistant à franchir les murs mitoyens et à pénétrer chez le voisin. Aujourd'hui vous risquez de finir au tribunal pour mineurs. Tout est régulé et contrôlé: marcher dans la rue, conduire une voiture, etc. Et puis, il y a les polices intellectuelles, le «politically correct» qui surveille subrepticement nos comportements les plus intimes. Plus une société est civilisée et normée, moins elle a de choix moraux à faire. Aujourd'hui, le seul dilemme auquel on est confronté est le choix entre deux paires de baskets. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que cet ensemble de conventions, de régulations et de lois a toujours été perçu de façon positive, comme faisant partie des dernières contractions des Lumières. Les dictatures du futur seront obséquieuses et patelines plutôt qu'ouvertement violentes, elles seront douces mais sinistres.

Le monde d'Eden-Olympia est inquiétant car il est fondé sur des logiques post-freudiennes et rationnelles parfaitement acceptables. Poussées à bout, elles virent à un nouveau despotisme éclairé. N'êtes-vous pas allé trop loin?
J.G.B. On m'a toujours reproché d'aller trop loin! Eden-Olympia n'a plus les structures civiques et sociales qui contiennent d'habitude les déviances et les psychopathologies latentes. Par le passé, le regard social régulait l'expression de ces déviances. Mais, dans cette société du futur proche qu'est Eden-Olympia, le lien social s'est distendu, les gens sont esseulés, aliénés par des mécanismes invisibles qui les dépassent. Dans mon livre, le psychiatre Wilder Penrose exploite les pathologies des habitants du parc pour les revigorer et en fin de compte faire tourner la machine capitaliste. Il réveille en eux des désirs inconscients de violence, de racisme, de concupiscence, de pédophilie, etc. A mon sens, les multinationales qui pourvoient à la plupart de nos besoins ont bien compris que notre seuil de tolérance de l'ennui est de plus en plus bas et que les consommateurs se lassent très rapidement de tout ce qu'elles leur offrent. Elles tirent parti de déviances latentes pour que les individus se sentent à nouveau exister. C'est ce que nous voyons dans le domaine du sport ou dans l'industrie du spectacle. Hollywood joue ouvertement sur notre goût pour la violence et nos fantasmes de sexualité perverse. Cette manipulation pour nous maintenir actifs en tant que consommateurs est d'autant plus dangereuse qu'elle est inconsciente. Lors de la montée des fascismes dans les années 30, de Hitler ou de Mussolini, personne n'était conscient de participer à une idéologie folle. Une idéologie imposée d'en haut est plus facile à combattre qu'une idéologie soutenue par les masses, expression d'un désir collectif.

Pourquoi l'allusion récurrente à Alice au pays des merveilles?
J.G.B. Super-Cannes est à la fois merveilleux et cruel comme le monde créé par Lewis Carroll. Et puis, David Greenwood, le personnage de mon roman qui finit par se suicider lorsqu'il comprend qu'il a été manipulé par Eden-Olympia, se découvre des penchants pédophiles, comme ceux attribués à Carroll.

Est-ce une façon de dire que nous vivons dans une société aussi réprimée et décadente que l'ère victorienne?
J.G.B. L'ère victorienne était-elle si réprimée? Il y avait apparemment bien plus de prostitution qu'on ne veut le croire. A mon sens, la nature humaine est décadente. Je me permets une digression à ce propos. Lorsque Spielberg a adapté l'Empire du Soleil, tous les journalistes s'étonnaient de mon enfance extraordinaire. En fait, ma vie à Shanghai était typique de ce que vivait la plus grande partie de la planète et de ce qu'elle vit encore aujourd'hui. La guerre, la famine, les catastrophes naturelles, la maladie et la faim sévissent autant qu'au Moyen Age. Mon enfance n'a rien d'exceptionnel, ce sont les Etats-Unis et l'Europe qui figurent, encore aujourd'hui, l'exception. Je fais cette remarque pour souligner que nous avons tous un potentiel de violence et de cruauté tapi en nous. La plupart des individus ne sombrent pas dans un comportement antisocial par égoïsme, parce que cela n'est pas dans leur intérêt. Il suffit d'un rien pour que tout bascule dans une violence primitive.

A ce sujet, vous faites dire au psychiatre Penrose que «la violence est la poésie du XXIe siècle» ...
J.G.B. C'est une perspective effrayante! Mais, après tout, un pan de la production littéraire a exploré les liens entre l'érotisme, la violence et la mort. Que ce soient les tragédies de Shakespeare ou le théâtre d'Eschyle, la poésie de Rimbaud ou celle des surréalistes.

Dans votre roman, la serveuse d'une terrasse cannoise porte un T-shirt arborant une citation de Jean Baudrillard. Pourquoi ce clin d'œil?
J.G.B. Pour moi, c'était un signe de notoriété populaire que je lui souhaite. J'aime beaucoup son livre Amérique. Il décrit les Etats-Unis, son mobilier, ses aéroports et ses stations-service, sans jamais mentionner un Américain et fait de ce pays une grande pièce de pop art. Je pense qu'il comprendrait très bien la psychologie d'Eden-Olympia.

Paul Sinclair, le personnage qui tente de percer le mystère du suicide et les meurtres de David Greenwood, est ambigu. Il condamne Eden-Olympia, tout en étant mi-voyeur, mi-actif. Pourquoi?
J.G.B. Paul Sinclair est séduit comme tous les autres par le système. Il finit par vaincre sa tentation. Super-Cannes est aussi une histoire d'amour - Orphée et Eurydice, Ulysse et Pénélope - d'un homme qui tente de regagner l'amour perdu de sa femme. Jane n'est plus capable d'aimer car l'environnement du parc d'activités épuise toutes les relations amoureuses et érotiques. Il retrace les pas de David Greenwood sans sombrer dans la pathologie et, finalement, comme lui, décide de dénoncer la folie d'Eden-Olympia.

Dans votre œuvre, vous dénoncez les extrémismes des idéalismes bien-pensants - l'écologie, le féminisme, etc. Peut-on combattre les dérèglements décrits dans Super-Cannes?
J.G.B. Une révolution inconsciente devrait avoir lieu tôt ou tard, comme cela a été le cas dans l'ex-Union soviétique et dans les pays de l'Est. Les gens ne supportaient plus la dictature et les dirigeants ont dû s'en rendre compte. J'espère qu'un jour on se rebellera contre le pouvoir d'infantilisation de la culture américaine. Dans la négative, les perspectives sont plutôt lugubres.

Certains vous considèrent comme un écrivain nihiliste. L'êtes-vous?
J.G.B. Je suis plutôt de tempérament joyeux, même si mes lecteurs peuvent avoir une impression différente. Mes livres sont des romans à idées, des allégories qui peuvent fonctionner comme des mises en garde, dans la tradition, je l'espère, d'Aldous Huxley et de George Orwell. Quelqu'un qui installe un panneau routier «Attention virage dangereux» n'est pas forcément pessimiste. Il m'arrive de montrer un panneau «Attention virage dangereux - accélérer» en guise de test psychologique. Il peut révéler beaucoup chez le conducteur!

Depuis L'île de béton, vos livres composent une petite sociologie surréaliste. Comment l'environnement - l'urbanisme, l'architecture, la technologie et les médias - a-t-il modifié les relations humaines?
J.G.B. Le métro, les centres commerciaux, les embouteillages sont autant de lieux d'une nouvelle intimité concrète physiquement et abstraite psychologiquement. Les aéroports ou les villages-vacances constituent de bien étranges lieux de socialisation. I.G.H., roman situé dans une tour londonienne des années 70, montre comment cet univers fonctionnel de béton, d'acier et de verre facilite l'infantilisation et la barbarie. Ce roman s'est avéré étrangement prophétique. Dans Crash, j'explorais comment la culture de l'automobile des années 60 cristallise toute une fantasmagorie de la violence, de la mort, de la vitesse et de l'agressivité. Crash était une expérience psychologique effectuée sur moi-même et mon lecteur, une collision entre érotisme et accident de voiture. Dieu merci, cette allégorie n'est pas devenue réalité! Mais ce roman est aussi une histoire d'amour dans laquelle les fantasmes liés à la voiture permettent de régénérer un couple.

Vos vues se radicalisent dans Le massacre de Pangbourne où les enfants communiquent avec leurs parents par ordinateur et dans The Intensive Care Unit où l'on fait l'amour par écran télévisé interposé. Les nouvelles technologies ont-elles créé une nouvelle forme d'intimité?
J.G.B. Elles donnent naissance à une intimité vide, à une sexualité morte.

Super-Cannes et Crash dénoncent les mécanismes politiques, médiatiques et économiques qui transforment l'érotisme en pornographie. Vous paraissez ambigu à ce sujet. Vous condamnez les déviances et pourtant vous semblez dire qu'elles répondent à un besoin de transcendance et de spiritualité...
J.G.B. L'imaginaire sexuel pourvoit à tout, même au plus bizarre. Comme la sensibilité poétique. Les romans de Sade sont aussi des histoires d'amour. Les hommes ont besoin de rêver de la mort, car, à mon sens, elle entretient des liens forts avec l'amour et l'érotisme. Je vois l'accident de voiture comme un sacrement et mon roman Crash comme un livre de prières!

Vous identifiez-vous à vos personnages?
J.G.B. J'ai écrit Crash à la première personne et le narrateur porte mon nom. Il me semblait plus honnête de me projeter dans ce personnage puisque j'y explorais les liens entre l'érotisme et la mort. J'assume donc la responsabilité des fantasmes que je décris. Ce James Ballard n'est pas moi, même s'il fait partie de moi. De la même façon, dans Super-Cannes, je m'identifie en partie au démentiel Wilder Penrose ainsi qu'à Paul Sinclair. Chacun de mes personnages représente un moi alternatif.

«Plongez dans les éléments les plus destructifs», exhortait Conrad. La littérature vous semble-t-elle une activité dangereuse?
J.G.B. Les écrivains ont besoin de se tester, l'écriture étant un lieu d'exploration du Moi. La maxime de Conrad est d'autant plus valide aujourd'hui que l'on peut traverser la vie dans un parfait état d'autoanesthésie. Ecrire devrait être un acte dangereux. Peu d'écrivains prennent de risque, à mon sens!

Vous paraissez plus serein depuis vos deux romans d'inspiration autobiographique, Empire du Soleil et La bonté des femmes. A quoi attribuez-vous cette évolution?
J.G.B. J'ai commencé à écrire dans les années 50 des nouvelles de type spéculatif publiées dans des revues de science-fiction. J'ai longtemps été associé à ce genre car je partageais certaines de leurs préoccupations. J'étais hanté par des visions apocalyptiques car la menace nucléaire était très réelle à l'époque de la guerre froide, de la bombe H, de la crise des missiles de la baie des Cochons. La science n'était plus amie des humanités et source d'espoir. Mes livres reflétaient ces hantises. L'île de béton ne s'apparente plus à ce genre, je voulais surtout y montrer les changements culturels radicaux qui s'étaient opérés dans l'Angleterre de l'après-guerre. Mes livres, aujourd'hui, sont moins apocalyptiques car nous vivons une période plus stable. Les menaces pour la société sont plus abstraites, subtiles et ambiguës.

Certains thèmes reviennent dans vos livres comme des obsessions: le camp d'internement japonais en microcosme préfigurant l'Angleterre, les communautés apocalyptiques, les lieux abandonnés, les personnages comme acteurs sans rôle. L'écriture est-elle une pratique cathartique?
J.G.B. Ecrire a été pour moi une forme d'autoanalyse imaginative. Si je n'étais pas devenu écrivain, j'aurais sans doute été une personne très perturbée. Peut-être qu'en tant que médecin ou psychiatre, j'aurais été capable de me normaliser. Contrairement à ce qu'on imagine, j'ai une santé mentale robuste et je pense la devoir à l'écriture.

C'est pour cette raison qu'il y a tant de médecins et de psychiatres qui peuplent vos romans?
J.G.B. J'ai étudié la médecine avec le dessein de devenir psychiatre. A l'époque, mes motivations étaient très confuses. Je n'avais qu'un patient en tête, moi-même. J'ai abandonné mes études rapidement, mais j'espère en avoir gardé les habitudes d'esprit. Je pense que les hommes sont dangereusement malades et seule l'approche du pathologiste semble être valide. Je ne sais pas si Freud est un grand romancier plutôt qu'un scientifique. Et, si la psychanalyse comme thérapie n'est pas très probante, son œuvre reste une explication métaphorique du comportement humain très puissante au même titre que celle des anthropologues comme Frazer, Malinowski, etc.

Comment votre enfance en Chine et l'internement dans le camp de Lunghua ont-ils marqué votre œuvre?
J.G.B. Les trois années que j'y ai passées, de douze à quinze ans, m'ont rendu très indépendant, ce qui est positif pour un écrivain. Je vivais dans une toute petite pièce avec mes parents et ils n'avaient qu'une envie, c'était de m'en voir sortir. Quant à moi, j'adorais errer dans le camp comme dans un bidonville et aller à la recherche de nourriture. Et puis, voir ses parents impuissants et terrifiés les démystifie. Je me suis éloigné d'eux simplement parce que l'affection familiale ne pouvait s'exprimer dans ces baraquements surpeuplés. Je me sentais très seul et c'est pourquoi dans l'Empire du Soleil j'ai fait de Jim un orphelin de guerre. Cela me paraissait plus juste psychologiquement. De la même façon, beaucoup d'internés étaient persuadés d'avoir vu l'éclair gigantesque de Nagasaki. Vrai ou pas, il nous hantait. Curieusement, je n'avais que de bons souvenirs du camp qui représentait pour moi une expérience communautaire heureuse. Je ne voulais pas que la guerre se termine et j'ai quitté le camp à contrecœur.

Et Shanghai?
J.G.B. Shanghai était une ville de médias peuplée de radios. J'en garde des souvenirs surréalistes. Notamment d'une première de Notre-Dame de Paris où une allée d'honneur avait été formée de bossus nains. Comme si la ville était un théâtre bien plus spectaculaire que le film hollywoodien. Et puis, je me souviens des actualités filmées de la BBC qui étaient en complet décalage avec notre guerre sino-japonaise qui avait débuté en 1937. J'avais onze ans lors de Pearl Harbor. Le lendemain j'étais allé voir mon meilleur ami, mais il avait disparu sans nouvelles, abandonnant une maison vide mais intacte. J'ai très tôt réalisé que tout pouvait basculer d'un jour à l'autre sans raison, que l'on ne pouvait se fier aux apparences. J'ai alors pris la résolution de traiter la réalité comme un film où nous sommes tous des acteurs ne sachant pas quel «script» nous attend!

Vous dites dans La bonté des femmes que vous avez tenté toute votre vie de comprendre ces années-là.
J.G.B. La guerre m'a façonné. Je ne suis pas satisfait de la réalité qu'on nous présente, elle me paraît toujours mensongère. C'est la raison pour laquelle j'écris encore à mon âge. Peut-être ai-je besoin d'une autre guerre! J'espère que non!

Spielberg a tourné l'Empire du Soleil en partie près de Shepperton. Une étrange coïncidence, non?
J.G.B. D'autant plus que mes voisins avaient été recrutés comme figurants pour jouer mes voisins de Shanghai! C'était comme si je m'étais installé à Shepperton sachant que quarante ans plus tard j'écrirais un livre sur mon enfance chinoise qui serait porté à l'écran.

Vous sentez-vous proche des peintres surréalistes?
J.G.B. Les tableaux de Dalí, d'Ernst et de Magritte, que j'ai vus pour la première fois après mon arrivée en Angleterre, m'ont immédiatement rappelé Shanghai. La guerre a pour effet de tout disloquer. Après un bombardement, les paysages sont surréalistes. Les meubles se retrouvent dans la rue, un bout de fauteuil dans un arbre. La logique de guerre est la même que celle des tableaux surréalistes: celle de défaire le monde pour le recomposer ensuite, comme un collage. Et il me semble parfois que ce monde recomposé est plus réel!

Vous aimez à citer Odilon Redon pour qui le surréalisme «place les logiques du visible au service de l'invisible». Comment cette formule définit-elle votre esthétique radicale?
J.G.B. Redon résume parfaitement l'entreprise surréaliste et définit comment elle diffère des fantaisies incontrôlées. L'imaginaire surréaliste est tempéré par les contraintes de la réalité. La méthode paranoïaque-critique de Dalí en est un exemple. Les fantasmes s'expriment à travers le prisme de la rationalité.

Pourquoi restez-vous à Shepperton?
J.G.B. C'est un excellent poste d'observation. Tous les changements sociaux prennent corps dans la banlieue parce que les gens disposent d'un revenu plus élevé et qu'ils sont à la fois plus libres et plus seuls. La télévision, l'échangisme, le fast-food, les locations vidéo et la culture d'aéroport ont d'abord fleuri en banlieue. Le décor et l'ameublement ne comptent pas pour moi. Mes filles se plaignent souvent du fait que je suis complètement non matérialiste.

Vous sentez-vous chez vous en Angleterre?
J.G.B. Non, pas du tout. Je n'ai toujours pas accusé le coup, depuis mon arrivée en 1946. C'est un pays à l'âme grise, perdu dans son passé, prisonnier d'un système de classes grotesque. Nous sommes la tribu perdue de l'Europe. De temps en temps, je retourne à la gare, mais le train de retour pour Shanghai n'est toujours pas arrivé. Dommage!

Super-Cannes
J.G. Ballard
Fayard
Traduit de l'anglais par Philippe Delamare.
426 pages.
Prix : 21,04 € / 138 FF.

J.G. Ballard

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